Avertisseurs de radars : vers la fin d’une mascarade ?

Le projet d’interdiction des avertisseurs – détecteurs de radars envoyé par la DSCR en avril 2017(1) à la commission européenne peut être perçu comme un avertissement aux marchands… de bases de données. Une veille active sur les réseaux sociaux et la compilation de très nombreux articles nous ont permis d’y voir plus clair.

Officiellement, le décret d’interdiction des signalements peut légitimement servir à lutter contre des chauffards, des cambrioleurs, des criminels, des terroristes et des ravisseurs d’enfants susceptibles d’utiliser ces avertisseurs. Signaler un point de contrôle en précisant « véhicule sur le bas côté » revient également à prévenir les accros à la vitesse, les conducteurs alcoolisés, les utilisateurs de téléphone au volant. Ces signalements remettent en cause l’ensemble du système contrôle-sanction. Ceux qui pratiquent du co-voiturage déplorent d’ailleurs des attitudes irresponsables « je fais du co-voiturage avec des gars qui possèdent des “Coyote” et là c’est comme à l’ancienne à savoir le plus vite possible ! No ! ».

Vers une reprise en main de l’État ?

Suite à la mascarade du protocole d’accord de 2011 avec les marchands d’avertisseurs de radars(2), ceux-ci sont aujourd’hui divisés et concurrencés par des constructeurs automobiles, des opérateurs téléphoniques et des firmes multinationales de l’informatique. Dans ce contexte, l’État pourrait être tenté de reprendre la main ! Les anciens avertisseurs payants sont concurrencés voire dépassés par des applications gratuites. Les avertisseurs historiques sont en vente sur « Le bon coin » à des prix dérisoires. Quant aux radars de nouvelle génération (radars mobiles-mobiles), certaines applications prétendent pouvoir les signaler. Par communiqué de presse interposé, les autorités les mettent donc en garde.

Les bases de données au centre de la négociation 

Ces outils signalent non seulement la présence des forces de l’ordre sur le terrain en temps réel, mais également leurs stratégies et leurs habitudes. En ouvrant son Smartphone pour utiliser une
application, le conducteur est immédiatement informé. Mais aussi, en signalant un point de contrôle sur internet, l’internaute administrateur-bénévole offre ainsi gracieusement ses données privées monnayables à son fournisseur.

En récupérant les bases de données produites, ces entreprises connaissent les vitesses moyennes de leurs clients, leur temps de conduite. Pour l’instant, seules les vitesses réduites en cas de bouchon, de travaux ou d’accident, sont indiquées aux utilisateurs. Les dépassements des VMA (Vitesses Moyennes Autorisées), de chaque conducteur sont connues et enregistrées. Des puces GPS
permettent de géolocaliser les usagers et d’indiquer leurs habitudes au volant.

L’État français possède une partie des informations sur le comportement des conducteurs. Mais par ailleurs, les marchands d’avertisseurs qui possèdent leurs propres données cherchent à les
monnayer. La sécurité routière est devenue un marché. Aujourd’hui Coyote se lance dans les assurances et les EDR (Enregistreurs de données). Cette société écrit sur un forum de discussion le 30 avril « Ce texte n’est pour l’heure qu’un projet, Coyote travaille déjà avec les autorités pour la mise en place d’un protocole d’urgence qui vise à aider les forces de l’ordre en cas de menace pour la sécurité de tous. La qualité de notre service reste notre priorité… » Waze, société filiale du géant américain de l’internet Alphabet (Google), qui propose une application mobile de navigation routière, travaille quant à elle sur un projet européen qui vise à améliorer les services d’urgence.

Au niveau européen, des constructeurs automobiles allemands de véhicules inutilement puissants pourraient être tentés de bloquer ce projet d’interdiction des EDR. Par ailleurs, la Suisse, le Lichtenstein et l’Autriche ont déjà interdit ces outils. Souhaitons que ces derniers puissent inspirer utilement le gouvernement français et dans le sillage, la Commission Européenne. La mascarade n’a que trop duré…

(1) Cf. Article décret 24/05 24 juin 2017-06-10.
(2) Voir article de Pondération n° 106.

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