Les particules fines responsables de 14% des décès dans la Métropole lilloise
Pourquoi la pollution de l’air prend les métropolitains à la gorge
Nord Eclair 15/01/2019
UNE ANNÉE ET DES POUSSIÈRES
2018, année noire. Comme la couleur des poumons des Lillois. La station ATMO de Lille-Fives, qui mesure la pollution urbaine de fond, a enregistré la triste performance : à 57 reprises, la concentration de particules fines (PM2.5) de la capitale des Flandres a dépassé la limite des 25 microgrammes par mètre cube d’air (µg/m 3 ) (43 fois pour Tourcoing dont la sonde est à Roubaix à la zone de l’Union). Ce niveau, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas le franchir plus de trois jours par an, sous peine de conséquences pour la santé. En moyenne sur l’année, la quantité de poussières PM2,5 inhalées par la population, 16,6 µg/m 3 , se situe elle aussi sensiblement au-dessus des recommandations de l’OMS, 10 µg/m 3 .
LILLE, CAPITALE GRISE
La formule, lancée par les macronistes locaux, n’est pas dénuée de fondement. L’air lillois et métropolitain ne se contente pas d’être toxique. Il l’est plus qu’ailleurs. Aucune autre grande ville n’a affiché 57 dépassements en 2018. Lyon n’a dépassé « que » vingt fois la ligne jaune de l’OMS, Bordeaux 15 fois, Marseille 12 fois, Nantes 7 fois, Nice 2 fois seulement… En moyenne sur l’année, même constat. Même Paris respire moins de particules fines : 14,5 µg/m 3 en moyenne en 2018, contre 16,6 µg/m 3 à Lille.
LE TABLEAU SE NOIRCIT
Après un mauvais cru 2014, et des années 2015, 2016, 2017 où la concentration de PM2,5 dans l’air de Lille s’était stabilisée, 2018 a marqué une hausse sensible de la dose de polluants encaissée par la population.
PERSONNE NE BOUGE
2018, année du réveil citoyen
Ce n’est pas tous les jours qu’on parle de Lille sur toutes les ondes. Avant, il n’y avait guère que la Braderie pour produire cet effet. Désormais, il faudra aussi compter avec… la pollution. Fin 2018, la capitale des Flandres s’est taillé un joli succès médiatique avec ses concentrations en particules fines. Un écho symbolique d’une nouvelle donne de la pollution atmosphérique dans l’opinion : ce poison longtemps invisible l’est de moins en moins.
La pétition « Pour que la mairie de Lille agisse ! », initiée il y a un mois en réaction aux mauvais chiffres de la qualité de l’air, a ainsi attiré 6 000 signataires, bien au-delà des seuls cercles militants.
Un réveil citoyen alimenté par la connaissance, de mieux en mieux documentée et diffusée, de l’impact sanitaire de cette pollution causée par le trafic routier, le chauffage des logements, l’industrie et l’agriculture.
UN ENJEU CRUCIAL
L’enjeu est donc crucial. Est-il perçu comme tel par les pouvoirs publics ?
Le préfet a décidé de l’expérimentation d’un abaissement de la vitesse à 70 km/h sur un tronçon du périphérique lillois, à partir de février 2019.
« On développe de plus en plus la mesure des particules fines »
Un épisode de pollution, c’est quoi ?
Pourquoi les PM2.5, particules très fines, ne sont-elles pas prises en compte dans le calcul de l’indice ATMO ?
C’est paradoxal : on nous explique d’un côté que « la pollution aux PM2.5, c’est dangereux » et de l’autre que ces particules fines ne sont pas prises en compte dans l’indice ATMO !
« Indirectement, les PM2.5 sont prises en compte parce que quand vous mesurez les PM10, vous mesurez aussi les particules plus fines, donc les PM2.5. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas de découpage pour cette exposition. »
Vous pensez que ça va changer ?
« On ne sait pas comment la réglementation va évoluer. J’aurais tendance à penser que oui, parce qu’on voit bien qu’on développe de plus en plus la mesure des particules fines. »
En attendant, comment se protéger ? Porter un masque? Rester enfermé ? Fuir à la campagne ?
Comment expliquez-vous les variations de concentration de polluants ?
« Quand vous avez une atmosphère froide, sans vent, avec des journées d’hiver ensoleillées et des gelées importantes, tout ce que le territoire émet en termes de polluants (chauffage, activités industrielles, trafic routier) a tendance à s’accumuler parce que la météo n’est pas dispersive . Ça crée des hausses fortes et rapides des concentrations de polluants qui entraînent souvent le déclenchement d’épisodes de pollution. Et, a contrario, quand il y a des fortes tempêtes et des précipitations importantes, on a une qualité de l’air qui est meilleure parce qu’il y a un nettoyage de l’atmosphère, grâce aux vents qui mélangent l’air ou grâce aux pluies qui le lessivent. »
Des élus pas encore « à la hauteur »
« 1 700 morts invisibles, une tragédie quotidienne. Vous imaginez le retentissement, si un attentat faisait 1 700 morts ? » La pollution tue, martèle Christopher Liénard. Et l’opinion s’y résigne de moins en moins, estime le président des Amis de la Terre Nord, également président de la Maison régionale de l’environnement et des solidarités. « Maintenant, il faut que les pouvoirs publics soient à la hauteur », espère celui qui a coorganisé le rassemblement devant la Métropole européenne de Lille, jeudi.
Le test d’une limitation du périphérique à 70 km/h ? «Cela n’aura qu’un effet infinitésimal », tranche Christopher Liénard. Qui avance d’autres revendications, adressées directement aux élus locaux : un développement vraiment ambitieux des alternatives à la voiture (transports en commun, modes doux, covoiturage), la gratuité des transports en commun lors des épisodes de pollution, l’affichage public en temps réel des niveaux de pollution, la distribution de masques respiratoires…